1988 Réflexions préalables sur les bourses d’études. Réseau
Ce texte reprend l’intervention de Flusser lors de la Rencontre de l’action culturelle française à l’étranger à l’Institut Français à Naples, le 21 et 22 décembre 1987, dans un colloque sur les expériences de résidences d’artistes à l’étranger.
L’article a été publié en avril 1988 dans le numéro 16 de la revue Réseau. Revue des établissements culturels français à l’étranger (pages 4–7), revue disparue dont nous n’avons pas pu retrouver les ayants-droits. Également une lettre de Flusser.
Ce texte est basé sur un tapuscrit sur les bourses d’étude offertes aux artistes français à l’étranger.
Flusser y analyse le système des bourses du point de vue de la théorie de la communication, dans le contexte de la mutation culturelle, vue par Flusser comme une crise des valeurs. “Mais vous, qui êtes réunis ici pour étudier le problème, êtes chargés d’une responsabilité noble : faire en sorte que soit donnée une opportunité à ceux qui, par leur créativité artistique (alliée à une créativité scientifique) peuvent donner un nouveau sens à notre vie, dont la partie la plus significative sera passée dans le loisir”.
Flusser a écrit deux autres textes sur le sujet en préparation de son intervention : dans ces textes (A et B), il part de l’étymologie des mots école et étude pour provoquer une réflexion sur le thème. Flusser montre qu’il existe une division imposée par la mentalité moderne entre le plaisir, ou le loisir, et le travail sérieux, qu’il appelle le zèle – ainsi qu’entre l’art et la technique. Flusser invoque le Faust de Goethe, pour opposer une raison pratique prescrite par la modernité, à une autre, celle du « diable » – plus âgé et plus sage. Il donne raison au diable, car, selon lui, le loisir ou le divertissement peut cohabiter et jouer avec la contemplation de l’étude. Mais, aujourd’hui, comment réintégrer ces deux dimensions : le loisir et le zèle ?
La proposition flussérienne, toujours audacieuse, est la création d’une bourse d’études pour toute la vie. Ce qui peut sembler être une blague ironique, est en fait une critique du mode de vie et d’études qui nous est imposé. Flusser considère que le système éducatif mondial maintient des règles qui le limitent. Il s’agit d’une expression du système de l’économie post-industrielle qui est décidément versé sur l’automatisation.
Pour contrer ce système, Flusser propose des bourses d’études pour toute la vie pour certains étudiants qui peuvent avoir des « insights » brillants à cet égard, en indiquant une vision d’avenir pour la société. Ces étudiants – et Flusser n’hésite pas à parler d’une nouvelle élite – s’engageraient dans l’élaboration d’une culture universelle créative, par opposition à la culture de masse, pleine de redondance. Dans une société codifiée, ces « boursiers de la vie » seraient chargés d’élaborer des méta-codes, seuls capables d’établir une culture universelle.
L’alternative du loisir dans la passivité, promue par la culture des images, est un loisir activement rempli de la recherche zélée du savoir, au sens large (savoir-faire politique et artistique).
En ce même sens, dans la seconde version du texte, Flusser complète sa pensée avec une référence importante à l’étudiant créatif, autre concept très utilisé par lui, l' »homo ludens« . En effet, l' »homo ludens » qui s’engage avec zèle dans l’élaboration progressive d’une culture alternative, qui ne cherche rien de moins que le sens de la vie. Enfin, libéré des conditionnements et des tendances autonomes de la société actuelle, cet étudiant devient un véritable artiste de « l’art de vivre ».
« L’école doit devenir le laboratoire où on élabore l’art de vivre ».
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